4 janvier 2010 1 04 /01 /janvier /2010 08:01
La Nuit de l'Anneau
Re-édition pour "le club du fantastique" La petite voiture s'arrêta finalement après quelques toussotements, vraisemblablement dûs à une panne sèche. La nuit noire et fraîche se referma soudain quand les phares s'éteignirent. Le silence insondable qui s'installa alors fut comme le passage fugace d'un souffle divin, un ressac éternel, un soupir d'encre. Le cliquetis d'une portière déchira un bref instant cette paix irréelle, le temps qu'il fallut à une petite silhouette féminine pour s'extraire du véhicule inutile.
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Sans mot dire, et semblant à peine effleurer la chaussée de son pas léger, l'inconnue entreprit de poursuivre sa route à pied, se guidant, pour éviter de choir, de la lueur d'une minuscule lampe de poche. Sa faible clarté, ajoutée aux lueurs diffuses tombant des étoiles, lui suffit pour qu'elle puisse bientôt distinguer la masse sombre et sinistre d'un bâtiment dressé en bordure de route. On eut dit quelque monstrueux ogre guettant l'être fragile et tapis dans l'éternité d'une nuit maléfique, prête à bondir et à l'engloutir. Un frisson glacé parcourut l'échine de la jeune fille quand elle prit conscience de l'endroit où elle était arrivée... Une vieille église en ruines, voilà tout ce à quoi elle avait droit comme abri pour la nuit !
L'aube ne tarderait pas à poindre, et quelques heures à passer accroupie sur un tas de pierres ne la dérangeraient pas outre mesure. Mais, qui ne se souvient avoir eu, une fois au moins, la sensation d'un danger terrible, ne peut imaginer l'état d 'esprit dans lequel se trouvait la jeune femme. Dans le minuscule faisceau de sa lampe, elle découvrit une petite niche, ayant sans doute abritée jadis une statuette. Elle s'y blottit et fut satisfaite de constater qu'elle lui offrait à la fois un moyen de se garder du vent, léger mais froid, qui se levait, de la vue de quelque rôdeur, et lui permettait une vision directe de la route. Sonvéhicule semblait maintenant monter une garde, silencieuse et farouche, somnolent mais vigilant !
Elle commençait à succomber à la lourdeur de ses paupières, lorsqu'elle fut tirée de sa béatitude par le fracas d'un coup de tonnerre. Le ciel, zébré d'éclairs gigantesques montra son vrai visage, couvert de nuages, roulant les uns sur les autres leurs charges effrayantes de pluie démentielle, qui menaçait de vouloir tout noyer dans un bain purificateur et formidable.
La jeune fille comprit son imprudence et maudit sa confiance en ce ciel étoilé, qui lui avait fait croire à une nuit douce et paisible. Les premières gouttes tombèrent lorsqu'elle entreprit de rebrousser chemin vers sa petite voiture, où elle serait plus en sécurité.
Comme dans un vertige, elle fut alors effarée de ne plus savoir où aller ! Comme si le décor avait brusquement changé, la vieille église elle-même paraissait se modifier au gré des flashes fabuleux que le ciel prodiguait, vociférations sataniques à l'égard de la terre, gorgée de la pluie innombrable qui s'écrasait sur son sein. L'inconnue se dit qu'après tout, les évènements l'induisaient en erreur, et que l'éclairage, différent, ne lui permettait simplement plus de s'y retrouver. Regardant le sol devant elle, pour éviter de trébucher sur un éventuel obstacle, elle aperçut furtivement, dans la violente clarté d'un éclair, un objet qu'elle reconnut comme ayant vaguement la forme d'un anneau...
A peine revenue de sa surprise, la femme fut empoignée sans ménagement par deux solides gaillards bizarrement vêtus. Dans sa frayeur, la malheureuse ne remarqua pas l'accoutrement de ces gens qui semblaient sortir tout droit d'un film moyen-âgeux et s'exprimaient en un langage qui ressemblait fort à du vieux français !
S'accroupissant, elle dirigea sa main fébrile dans la direction où elle pensait avoir vu la chose. Ses doigts mouillés, et couverts de la boue qui naissait de l'orage, rencontrèrent enfin ce qui s'avéra effectivement être une bague. Profitant d'un autre éclair, la jeune fille la glissa à son doigt et s'apprêta à repartir très vite vers sa voiture car elle était maintenant complètement trempée. Le bijou semblait avoir été conçu pour elle, car il coulisssa parfaitement le long de son doigt... Alors qu'elle finissait de l'enfiler, la pluie cessa, comme par une effarrante coïncidence. Elle ne perçut pourtant pas le phénomène, toute absorbée qu'elle était par la difficulté de trouver la bonne direction. S'arrêtant alors de marcher pour s'orienter, la jeune fernme se rendit à l'évidence ! Elle s'était égarée !
Le ciel se découvrit très rapidement et, à son immense stupeur, un clair de lune inexplicable baigna l'endroit d'une douce clarté. Le tout en quelques brèves secondes... L'esprit cartésien de la naufragée de la route fut très affecté de cette situation. C'était un véritable défi à la logique, un viol du rationnel. Mais elle n'eut pas le loisir de s'appesantir longtemps sur cette énigme : sur la route, étrangement métamorphosée en un chemin de terre battue, une foule hurlante s'approchait à grands pas, exhibant à bout de bras fourches et pioches.
Hurlant d'effroi, la jeune fille fut entraînée vers les ruines, sous les insultes et les invectives de la foule. Prestement dévêtue, elle fut attachée nue à un poteau, haut juché sur une montagne de branches et de brindilles sèches, vraisemblablement préparées à dessein. Un homme à la voix forte prit alors la parole, mais l'inconnue ne l'entendit point, elle s'était évanouie...
"Nous te tenons enfin, sorcière ! Brougresse du Démon ! Oncques ne vit ton anneau ne juerera point que tu ne sois l'infâme objet de Satan que tu nies être. Par la Sainte Incquisition, nous te déclarons hérétique et te condamnons à périr sur le bûcher. Puisse Dieu Tout-Puissant te pardonner et libérer ton âme du mal qui la ronge !"
Ce disant, l'homme plongea un long poignard dans la poitrine de la malheureuse victime, qui n' ouvrit les yeux à cet instant précis, que pour inscrire une surprise infinie et une douleur immense sur les traits délicats de son beau visage. Des mains s'activèrent qui portaient des flambeaux et mirent le feu au tas de bois qui s'érigea en un brasier gigantesque. Les flammes accompagnaient très haut vers le ciel les fumées âcres porteuses des cris de joie de la foule !
Le petit matin vit un vent léger disperser hâtivement les cendres froides, et l'on put apercevoir à leur place, un anneau d'or qui lança une lueur complice aux rayons caressants du soleil levant. Tout près de la vieille église, une petite voiture vide émergeait avec peine de la nuit...
P.F.J.
Published by P.F.J - dans Nouvelles
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